Dès l'avènement de la bourgeoisie un système s'est mis en place sauf lors les périodes troublées, d'une grande efficacité jusqu'à nos jours. Un parti de la conservation et un parti du mouvement, d'accord sur l'essentiel (la propriété, le patrimoine, l'accumulation du capital, la mise à l'écart des couches populaires, la société par actions, la Bourse) se divisaient sur des questions secondes sans être secondaires qui ne remettaient pas en cause les fondements (l'esclavage, la question d'Irlande, les aménagements permettant une adhésion populaire au système, le vote des femmes par exemple). A quoi voit-on qu'une question est seconde, même si elle est très importante ? A ce qu'une fois acceptée par la conservation et le mouvement elle ne modifie pas le système : la fin de l'esclavage, le vote des femmes, la sécurité sociale ou les congés payés n'ont pas mis fin au capitalisme.
Il ne s'agit pas d'une démocratie formelle, comme l'a décrété à tort le marxisme léninisme. La bourgeoisie n'est pas un bloc homogène. Par exemple la grande industrie et les couches supérieures à patrimoine rural n'avaient pas la même vision du libre-échange. Pour les gros industriels, le monde s'ouvrait à eux, pour les gros producteurs de blé, la concurrence des blés étrangers était mortelle. Deux mouvements aux contours idéologiques changeants s'avéraient nécessaires pour résoudre les contradictions tout en maintenant la paix sociale nécessaire aux affaires. Les Républicains ont succédé aux Monarchistes sous la IIIème, le capitalisme n'en a pas souffert.
Lorsque la question sociale a monté en puissance les repères se sont brouillés. Il est même arrivé que la bourgeoisie allemande épouvantée se jette dans les bras du nazisme. Ailleurs les choses sont aussi devenues beaucoup plus compliquées. Le parti bourgeois du mouvement n'a pas survécu, sinon sous la forme de centrismes improbables. C'est la social-démocratie qui a pris le relais. L'exemple le plus achevé est la Grande-Bretagne où le parti travailliste s'est installé dans les pantoufles du parti libéral.
Cette configuration a permis des avancées communément appelées Etat Providence mais si l'on excepte la commune, les Spartakistes en Allemagne et la Révolution des œillets au Portugal jamais le capitalisme n'a été sérieusement remis en cause. Et ces épisodes sont liés à des défaites militaires qui ont momentanément affaibli l'état bourgeois.
On peut donc affirmer que le bipartisme opposant un parti de la conservation et un parti du mouvement est constitutif de la démocratie bourgeoise et peut s'accommoder de l'existence d'un grand nombre de partis politiques qui masquent cette réalité profonde.
A partir des années 80 le passage au capitalisme rentier a fait imploser ce système bien rodé. Pour que le bipartisme existe il faut à l'intérieur de la sphère capitaliste la possibilité de solutions différentes. Un des partis sera libre-échangiste, l'autre protectionniste et isolationniste, et un compromis s'établira qui préservera les intérêts des diverses composantes.
Si l'analyse du capitalisme rentier développée dans le blog est correcte, la conclusion va de soi : il n'y a plus trente-six solutions pour faire prospérer la rente, mais une seule : la ligne qui est imperturbablement suivie. De multiples faits le prouvent. La déflation rampante a des effets pervers graves mais l'inflation est le seul et unique ennemi. La titrisation provoque périodiquement l'éclatement de la bulle, mais reprend de plus belle aussitôt après cet épisode malheureux. Le traitement de la dette grecque interdit toute possibilité au pays de la rembourser, mais elle n'est pas diminuée. Le fait que la Chine soit devenue l'usine du capitalisme rentier permet l'émergence d'une grande puissance qui à terme sera un concurrent. Mais on continue. Lorsqu'il y a un embryon de relance comme cela arrive aux USA, les riches deviennent de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres, alors qu'avant le New Deal permettait une redistribution. Le risque social et politique est considérable mais on continue L'augmentation du taux de profit se réalise toujours partiellement aux dépens des salariés mais les pays développés de la rente sont de moins en moins industrialisés. Des activités depuis toujours abandonnées à la bourgeoisie à patrimoine dans des secteurs à moyenne valeur ajoutée sont désormais annexées au capitalisme rentier qui fait flèche de tout bois : réparation automobile, blanchisserie, hôtellerie, commerce de luxe, BTP, transports, taxis passent dans le giron des multinationales, souvent en lien avec les progrès des télécommunications et de l'informatique. La conséquence en est redoutable. On passe inexorablement d'une multitude de solutions pour accumuler du capital à une solution unique même si les formes apparentes restent multiples : il faut être adossé aux Etats et à l'Europe, disposer d'un lobbying puissant, internationaliser la gestion pour ne pas payer d'impôts, avoir l'assise suffisante pour passer les périodes difficiles, disposer de journaux obéissants. Ce n'est plus à la portée du petit capitaliste local.
A solution unique parti unique. Cette affirmation fera bondir nos lecteurs habitués aux nombreux sigles sensés constituer le monde politique, vécu comme pluraliste.
Aucun citoyen n'a conscience que c'est une situation de parti unique, pourtant aisément vérifiable, parce que l'hégémonie reste très forte. Mais il constate que Hollande fait comme Sarkozy et commence à subodorer que son successeur fera comme lui. Le bipartisme tranquille n'est plus vécu comme la solution mais comme un jeu de dupes.
. Macron représente la droite et le social libéralisme réunis. Il est le symbole du parti unique de l'argent. Le capitalisme rentier a épuisé les solutions politiques à sa disposition. C'est pour cette raison qu'il est de plus en plus autoritaire et éloigné du peuple.
Des partis non concernés par le bipartisme tranquille ont existé ou existent , à commencer par le PCF. Lorsqu'ils ont été associés au pouvoir c'est sur des strapontins. La réflexion ne concerne que les partis ayant exercé réellement le pouvoir en alternance.
C'est au lecteur à tirer les leçons de cette évolution. Face au parti unique de l'argent formé d'une multitude de partis faussement opposés , créons le rassemblement de l'Humain d'abord qui devienne la seule alternative politique.
Henri Ausseil