Rencontres Marx a organisé fin mars un débat sur la mémoire collective avec un spécialiste de psychologie cognitive, Denis Brouillet et un chercheur en histoire, Frédéric Rousseau L'assistance relativement réduite par rapport à l'étiage habituel prouvait que le sujet intéresse moins que les gilets jaunes et paraît déconnecté.. Et pourtant!
J'y ai appris, nous y avons appris que le souvenir , du point de vue individuel ou collectif , n'existe pas. Ou plutôt ce que nous pensons être le souvenir. Il n'est pas une photographie de notre passé mais une construction , dont le rapport à la réalité ressemble à l'Iliade racontant la guerre de Troie: une légende bâtie à partir de faits réels.
C'est que notre cerveau a une capacité d'oubli qui loin d'être la catastrophe que nous imaginons est une chance extraordinaire . Être dotés d'une mémoire d'ordinateur qui n'oublie rien (c'est le cas de certains autistes) nous rendrait malades. Les traumatismes , les évènements douloureux, ceux qui ne nous ont laissés indifférents aussi disparaissent de notre mémoire consciente pour notre plus grand bonheur. Et nous reconstruisons notre passé , non par nostalgie, nous n'en avons pas besoin en réalité, mais pour affronter le futur et nous y adapter.
Et c'est là que cela devient POLITIQUE. La mémoire nous donne un but. Ce que certains dans la salle ont baptisé utopie, d'autres idéal, peu importe le nom qu'on lui donne. Et la conséquence est redoutable. Si on perd la mémoire on perd le but, l'utopie . La vieille personne qui oublie son passé ne peut plus se projeter dans l'avenir. Et pour la mémoire collective c'est pareil.
Les grands prêtres du libéralisme qui ont proclamé la fin de l'histoire, la fin de l'utopie en détruisant le passé des communistes, résumé au goulag l'ont parfaitement compris. Détruire le passé sous l'opprobre c'est tuer l'espoir.
Notre stratégie dans la guerre des idées devrait tirer toutes les conséquences de cet acquis des sciences humaines.
HA
NB : le désir légitime de faire témoigner des femmes violées sur le traumatisme qu'elles ont vécu et tenté d'oublier a une utilité sociale. Mais pour les personnes , ressusciter le traumatisme c'est ressusciter la souffrance. L'enfer est parfois pavé de bonnes intentions.